Interview retranscrite du magazine français Rock sound n°81 de juin 2000 par Benjamin Six de Dissonance.

                   Nine Inch Nails Version 2.0

Réunir le temps d'un concert deux figures aussi imposantes que celles de Trent Reznor (Nine Inch Nails) et de Maynard James Keenan (Tool/A Perfect Circle) semblait relever du domaine du rêve.
Pourtant, ce n'en était pas un puisque nous l'avons fait. C'était à Chicago le 21 avril dernier et on ne s'en est toujours pas remis depuis..

Il y a parfois dans la vide de petites choses insignifiantes qui, pour un rien, vous réchauffent le cœur et vous transpose dans un état de joie et de béatitude profonde. Comme par exemple, ce billet qu'on tenait bien fort dans notre main où étaient inscrits ces quelques symboles : « Nine Inch Nails + guest : A Perfect Circle , UC Pavillon, 04/21/00, 8 PM »

COLERE, TRISTESSE, DELIRES…

L'événement avait lieu à l'University of Illinois Chicago, dans un amphithéâtre américain, c'est-à-dire de la taille d'un Bercy de chez nous. Le show était sold-out quelques minutes après son annonce, alors même que les deux groupes repassaient au même endroit la semaine suivante. C'est qu'aux Etats-Unis, on ne rigole pas quand il s'agit de Nine Inch Nails. Pour cette seconde tournée américaine, intitulée « Fragilty V2.0 », c'est avec le nouveau groupe de Maynard Keenan, A Perfect Circle, que la bande de Trent Reznor avait décidé de tourner. Et bien leur en a pris, parce que s'il est un groupe de rock un tant soit peu délicat et original en ce moment sur la scène américaine, c'est bien celui-ci. Cependant, leur jeu scénique tranche
un peu avec leur volonté – par ailleurs clairement exprimée – de sobriété et de bon goût. Parce qu'opter de nos jours
pour des couleurs orange et bleue fluorescentes rendant les dents des musiciens vertes fluos nous paraît légèrement dépassé,
à la limite du risible. La performance de Maynard a également de quoi surprendre. Vêtu d'un costume Prada marron, torse nu, une perruque sur la tête, quelques doigts et ongles peints en noir, une bouteille d'eau à la main, le frontman de Tool est prit d'étranges spasmes ; se déhanche avec difficulté et, bien qu'immobile la plus grande partie du temps  paraît ne pas tenir sur ces deux jambes. En clair, et sans vouloir faire de mauvais esprit, il ressemble à un ivrogne. Et, bien que Maynard ait toujours prétendu refuser de passer au premier plan, on ne s'explique pas non plus son arrivée tardive sur scène, une fois ses compères installés, déclenchant alors un tonnerre d'applaudissements lui étant uniquement destiné. Quoi qu'il en soit, et c'est bien là l'essentiel, on est ravi de constater qu'A Perfect Circle tient totalement la route en live et que les morceaux de son premier album, « Mer De Noms », bien que plus brutaux que sur le disque (ceci dû à l'incroyable prestation du batteur Josh Freese),
réussissent à faire passer un puissant courant d'émotions mélangeant colère, tristesse, délires mystiques et emportements lyriques. Le set durera quarante-cinq minutes, la faute à un disque assez court approchant lui-même cette durée , et dix des douze chansons composant le LP (dont le single « Judith » passant actuellement en rotation
                   continue sur les ondes FM nationales en clôture) seront
                   présentées à
                   un public transi.

CA FAIT FRANCHEMENT PEUR

                   Après un tel déballage de sentiments, une pause s'impose.
                   Elle
                   s'éternisera quarante minutes, le temps que les roadies
                   préparent la
                   scène pour l'arrivée de Nine Inch Nails. A vrai dire, on
                   avait pas
                   spécialement réfléchi sur ce que le groupe de Reznor allait
                   nous
                   proposer. On s'attendait bêtement à revoir le concert du
                   Zénith du
                   mois de novembre dernier, avec de simples changements dans la set-
                   list. Mais c'était à oublier que NIN doit sa position en haut
                   des
                   charts à un travail acharné et des idées toujours
                   novatrices. Et ce
                   fut une entrée en la matière pleine de tension qui
                   célébra son
                   arrivée. Le groupe est là, on l'entend, mais il est
                   caché derrière un
                   rideau gris d'où se dessinent en ombres chinoises les
                   silhouettes de
                   ses membres. Comme à Paris, c'est « Somewhat Damaged »,
                   le premier
                   morceau de « The Fragile », qui a été choisi en
                   ouverture. Mais quand
                   les rideaux s'écartent, c'est le choc. La scène s'est
                   allongée d'une
                   trentaine de mètres, rendant l'espace d'expression
                   immensément vaste,
                   mais surtout, c'est à un tout autre groupe qu'on a
                   affaire. Car le
                   Nine Inch Nails 2000 n'a plus rien à voir avec celui de 1999.
                   Là où
                   le concert parisien avait été chaleureux, poli, propre et
                   presque
                   trop parfait pour paraître sincère, celui de Chicago sera
                   d'une
                   froideur, d'une saleté et d'une violence qui nous
                   rappellera d'emblée
                   la tournée de 1994. Fini les tons chauds orangés, c'est
                   essentiellement un bleu et un vert crus et sombres qui définissent
                   l'atmosphère de la salle. Les musiciens ont ressortis la
                   farine (dont leurs habits paramilitaires gothiques sont
                   badigeonnés) , le maquillage outrancier et leur agressivité
                   légendaire. En l'espace de deux chansons (« terrible Lie
                   » et «
                   Sin »), Trent Reznor a déjà balancé quatre fois son pied
                   de micro au
                   fond de la salle, fait éclater sa guitare contre un ampli, mis son
                   claviste, Charlie Clouser, à terre et balancé des litres
                   d'eau sur ses
                   musiciens et la foule. Vu du premier rang, ça fait franchement
                   peur
                   et on a même du mal a apprécier les morceaux qui suivent («
                   March Of
                   The Pigs » et « Piggy ») tellement on craint la suite…

LA SALLE HYSTERIQUE

                   Mais la suite justement, c'est « The fragile » et Trent
                   Reznor se
                   calme un peu. C'est avec une voix bien plus aïgue qu'à
                   l'ordinaire et
                   uen intensité qui nous arracherait presque les larmes des yeux que
                   le
                   maître de l'indus nous fait partager les expérimentations
                   et chansons
                   de son Halo Fourteen : « The Frail », « The Wretched » ;
                   « La
                   Mer », « The Great Below », « The Way Out Is Through
                   »… toutes se
                   déroulent avec une aisance et une force presque suréelles. Une
                   set-
                   list, somme toute, assez peu modifiée, où les seules
                   nouveautés
                   résident dans l'insertion de « Complication » et
                   d'un plus vieux
                   morceau : « Throw This Away ». Après un « Closer »
                   baigné de lumière
                   rouge et un « Head Like A Hole » où le groupe retrouve sa
                   hargne
                   initiale, le quintette quitte la salle hystérique pour mieux la
                   retrouver quelques minutes plus tard, avec, en guise de rappel, «
                   The Day The World Went Away », « Into The Void » (le nouveau
                   single), « Starfuckers, Inc. » et le classique mais
                   néanmoins
                   bouleversant « Hurt » en final. On sort de ce concert les yeux
                   hagards et la bouche-bée, en se sentant bien peu de chose sur
                   terre.
                   On prend immédiatement rendez-vous le 7 Juillet prochain sur la
                   scène
                   des Eurockéennes de Belfort, parce que Nine Inch Nails est tout
                   simplement l'une des meilleures choses qui soit arrivé à la
                   musique
                   depuis une décennie. Et comme le hurle lui-même Trent Reznor
                   dans «
                   Somewhat Damaged » : « Fuck the rest and stab it dead ».

                   Par Sophie Hervier/ Photos Sophie Hervier
 

                   L'article est complété par deux photos grand format de
                   Trent et une
                   plus petite.

                   Pour corriger/compléter l'article :
                   - il ne s'agit pas de la seconde tournée américaine de NIN,
                   c'est la
                   première concernant "The Fragile" et la Xémé si on
                   considére toutes
                   les époques.
                   - le nombre de places de la salle est de 9300. Petit Bercy donc.
                   - la set liste donnée dans l'article semblant un peu extravagante,
                   voici la vraie set list de ce concert :

                   The New Flesh
                   Pinion
                   Somewhat Damaged
                   Terrible Lie
                   Sin
                   March of the Pigs
                   Piggy
                   The Frail
                   The Wretched
                   Gave Up
                   La Mer
                   The Great Below
                   The Mark Has Been Made
                   Wish
                   Complication
                   Suck
                   Closer
                   Head Like A Hole
 

                   Rappels:
                   The Day the World Went Away
                   Just Like You Imagined
                   Starfuckers, Inc.
                   Hurt
 


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