Le mardi 28 fév 2006
NINE INCH NAILS
Avec «With Teeth», Trent Reznor retrouve succès et santé
Québec
Trent Reznor va bien. Pour un artiste dont l’œuvre s’est toujours nourrie du tourment, il ne s’agirait pas nécessairement d’une bonne nouvelle si With Teeth (2005), quatrième album de l’influent auteur-compositeur, ne constituait pas, à bien des égards, le meilleur titre de Nine Inch Nails depuis The Downward Spiral (1994).
Véritable icône du rock industriel, Trent Reznor s’est bâti au fil des ans une réputation d’angoissé en rien surfaite. Troublé autant par sa célébrité que par ses insécurités, il a longtemps puisé à cette source pour créer des petits bijoux d’albums, notamment Pretty Hate Machine (1989) et The Downward Spiral (1994), où s’entrechoquaient avec vigueur sentiments douloureux et rythmes brutaux.
Tout déchirement émotif ne vient toutefois pas sans conséquence. Chez l’homme derrière Nine Inch Nails, la fuite a passé par la drogue et l’alcool, au détriment d’une production déjà éparse (The Fragile), jusqu’au jour où même le fond de la bouteille ne lui a plus semblé aussi désirable. Survint une cure de désintoxication salvatrice et, avec elle, un engagement renouvelé dans la musique, dont le manifeste, intitulé With Teeth, est composé d’une collection de 13 titres marquée du perfectionnisme de ce rat de studio.
« Je vois ce disque comme étant le travail d’un esprit plus libre, analyse le claviériste Alessandro Cortini. On sent la direction beaucoup plus claire. Pour moi, c’est l’album de 13 chansons. C’est là la plus grande différence. Ce sont des chansons. D’une part, ça reflète chez Trent un nouvel état d’esprit, mais aussi la lutte qu’il mène depuis longtemps contre ses démons », a poursuivi l’ex-Everclear, qui joignait Nine Inch Nails il y a deux ans, après avoir répondu à une petite annonce.
Groupe d’un homme, Nine Inch Nails a connu plusieurs incarnations au cours de son histoire. Celle qui montera sur la scène du Colisée demain inclut, outre Reznor et Cortini, une brochette de solides musiciens constituée du guitariste Aaron North, du bassiste Jeordie White (A Perfect Circle, Auf Der Maur) et du réputé batteur de studio Josh Freese (The Vandals, A Perfect Circle, The Offspring), qui remplit occasionnellement le poste laissé vacant par Jerome Dillon, parti l’an dernier pour des raisons de santé.
« Nous revenons de la pause de deux mois qui a suivi la première branche de notre tournée, a fait savoir Cortini. Nous sommes donc en très grande forme. D’autant plus que Josh Freese est de retour à la batterie pour cette nouvelle série de spectacles. Ce sera génial ! Après tous ces mois de tournée, on est loin d’en avoir assez. On est vraiment emballés de remonter sur les planches ! Il faut dire que jusqu’à maintenant, le public a été fantastique avec nous. »
Sur la route depuis près d’un an, où il se produit généralement à guichets fermés, le groupe se trouve énergisé autant par la qualité du répertoire de NIN que par le bon état d’esprit de son leader.
« D’être tous les soirs entre Trent et Aaron, qui donnent tous les deux 100 % de ce qu’ils ont sur scène, c’est très inspirant. Je ne tiens pas le compte, mais je dirais sans trop me tromper qu’Aaron passe 99 % du spectacle dans les airs ! » de rigoler le sympathique Italien.
Après une première série de spectacles qui les amenait à Montréal en novembre, les membres de Nine Inch Nails se pointeront demain pour la première fois de l’histoire du groupe dans la capitale. Précédé de critiques dithyrambiques, ce spectacle qualifié de « théâtral » promet d’en mettre plein la vue.
« On a voulu que la facture de la scénographie et des éclairages soit en phase avec la musique. On y a mis beaucoup de soin en répétition. Personnellement, je n’aime pas voir un spectacle où on ne voit qu’un groupe jouer. En 2006, on vous demande une quarantaine de dollars pour un spectacle. Il faut que le spectateur en ait pour son argent. Avec Nine Inch Nails, c’est 50 % musique, 50 % visuel. De cette façon, on peut apprécier le spectacle sans être un grand fan. »
Quant aux admirateurs du groupe, ils devraient trouver dans les deux heures et quelques minutes de représentation de quoi rassasier leur appétit. C’est du moins ce que souhaite Alessandro Cortini qui, deux ans après son arrivée au sein de NIN, n’en revient toujours pas de la ferveur de certains fans.
« L’affaire qui m’inquiète le plus, c’est de voir toujours les mêmes visages dans la première rangée soir après soir. J’étais ce genre de fan, mais à... 11 ans ! Cela dit, je constate que ce groupe suscite ce genre de culte. Je suis certain que les diaboliques forums de discussions dans Internet sont responsables de ces comportements ! »
Le statut unique de Trent Reznor dans l’histoire de la musique, lui aussi, n’est sûrement pas étranger à cette dévotion.
« C’est certain qu’il y a de ça, estime le claviériste. Mais la musique devrait être écoutée comme telle. Et puis, je n’arrive pas à comprendre comment certains gens peuvent s’identifier à ce point à la musique qu’on le croirait sur notre liste de paie ! Je ne m’en plains pas, mais c’est l’une des choses que j’ai trouvées les plus étranges quand j’ai joint ce groupe ! »
Pour Cortini, un guitariste sous d’autres cieux, l’aventure au sein de Nine Inch Nails a demandé un important investissement personnel.
« Ce n’est quand même pas rien : il a fallu que j’apprenne à jouer des claviers ! Heureusement, on m’a donné la liberté de choisir les instruments avec lesquels je joue. Pour moi, ç’a représenté plusieurs mois de travail. En bout de ligne, l’expérience a changé ma vie. C’était tout un défi, mais ça s’est fait dans un environnement de travail stimulant comme je n’en avais jamais connu auparavant dans ma carrière. »
Relever le défi posé par Trent Reznor a résulté en un important sentiment de satisfaction pour le musicien, qui ne regrette pas du tout son changement de cap instrumental. Reste à apprivoiser le rythme de tournée dans une formation du calibre de Nine Inch Nails.
« Après huit mois de tournée, ça devient beaucoup plus difficile de jouer avec la même conviction qu’au début. Certains soirs, ça donne lieu à des shows plutôt ordinaires. Mais ce sont ces shows-là qui rendent les suivants meilleurs. Cela dit, après deux mois de repos, tous les spectacles sont agréables à donner ! Vous pouvez compter là-dessus ! »
Et sur l’entraînement quotidien du claviériste, de son propre aveu le plus « immobile » des membres du groupe.
« Pour se tenir en forme, Aaron n’a qu’à dormir. De toute façon, à se démener sur scène comme il le fait, a-t-il vraiment besoin d’entraînement ? Même chose pour Josh qui, à jouer de la batterie, n’a pas besoin de workout... Il n’y a que moi qui sois pris dans une cage au milieu de mes claviers ! ! ! »
Alessandro Cortini devra s’y faire. Nine Inch Nails sera sur la route pour le reste de l’année 2006.
« Pour garder l’expérience intéressante, on change certaines pièces d’un soir à l’autre. Il ne faudrait pas qu’on ait l’impression que ce soit la même chose tous les soirs. Ou que les quatre mêmes personnes qui sont toujours dans la première rangée aient l’impression que ce soit la même chose tous les soirs. Elles, on ne veut pas qu’elles se fâchent ! ! ! »