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Le vendredi 03 mars 2006

Nine Inch Nails conquiert dans l'adversité

Kathleen Lavoie

 

Seul derrière son clavier, hier, pendant la finale de son premier spectacle en carrière au Colisée, Trent Reznor devait ressentir encore plus intensément qu'à l'habitude les paroles de la chanson Hurt.

Qu'on arrête tout de suite la machine à rumeurs. Non, le génie torturé derrière Nine Inch Nails n'est pas retombé dans l'enfer de l'héroïne et de l'alcool, les béquilles qui lui ont permis, pendant des années, d'éviter de faire face à ses problèmes d'estime de soi.

Non, s'il était mal en point hier, c'était plutôt en raison d'un vilain rhume, un virus que quelques membres du groupe dont lui (contrairement à l'information véhiculée la veille par le producteur Michel Brazeau) traînent depuis plusieurs jours et qui a mené à l'annulation de deux spectacles en début de semaine.

C'est donc avec une sensation très authentique de malaise que l'influent leader du groupe a livré le texte déchirant de la très belle ballade reprise il y a quelques années par le premier homme en noir, Johnny Cash, et réenregistrée par un autre monstre, le réalisateur Rick Rubin.

Très peu de gens savent d'ailleurs que c'est à l'écoute de cette version que Reznor a décidé de se faire traiter. La cure de désintoxication qui allait suivre a non seulement permis à l'auteur-compositeur de reprendre goût à la musique, mais aussi de pouvoir livrer With Teeth (2005), le quatrième album officiel de Nine Inch Nails, un effort mieux canalisé que leur précédente production, The Fragile (1999).

Ce sont les pièces de ce nouvel opus, ainsi qu'une bonne douzaine d'anciens succès que Reznor, entouré de sa nouvelle cuvée de musiciens de scène - les excellents Jeordie White (Marilyn Manson, A Perfect Circle) à la basse et la guitare, Aaron North, spectaculaire à la guitare, Alessandro Cortini aux claviers et Josh Reese (The Offspings, The Vandals), percutant à la batterie - , ont tenu à offrir, hier, tout en s'excusant de la qualité de l'interprétation, lors d'une rare adresse au public.

Mais n'en aurait-on pas fait tant de cas, au cours des derniers jours, qu'on n'aurait jamais pu présumer de la maladie qui affectait les cinq musiciens en début de programme hier. Lorsque leurs silhouettes sont apparues, hier, vers 20 h 45, derrière un écran mi-opaque, ils paraissaient en parfait contrôle de leurs moyens.

Dispersés sur une scène noyée d'éclairages saturés, passant des blancs aux rouges aux mauves et aux bleus, les membres du groupe ont ouvert la soirée avec un titre qui fait maintenant un étrange clin d'oeil au passé, Mr Self Destruct, du remarquable album de 1994, The Downward Spiral.

Aux premiers rythmes diffusés par Freese, les 4000 spectateurs réunis au Colisée étaient déjà sur leurs pieds, en liesse. Puis, le rideau s'est levé pour laisser découvrir un groupe on ne saurait plus crédible dans son rendu de la pièce Sin. À la troisième chanson du programme, Terrible Lie, la foule avait maintenant joint sa voix à celle, un brin enrouée, du chanteur.

Il en fut de même toute la soirée. À travers les titres les plus mémorables comme Closer, Wish, Hurt ou Head Like a Hole, comme à travers une séquence de plusieurs chansons illustrées par des projections très organiques à l'avant-scène. Au final de la soirée, même dans l'adversité, Reznor et compagnie auront conquis la capitale.