mercredi 11 avril 2007, 14:17
M ine de rien, Trent Reznor est aux commandes de la formation de
rock industriel américaine Nine Inch Nails depuis bientôt vingt ans. Personnalité torturée, notre homme a eu comme certains de ses collègues des soucis de dépendance avec des substances diverses (drogues et alcool).
Aujourd'hui totalement clean, Trent Reznor publie Year zero, un nouvel album audacieux qui vire aussi vers l'expérimental. Nous avons profité de la venue de Nine Inch Nails à l'Ancienne Belgique (les 18 et 19 mars derniers) pour tailler le bout de gras avec un Reznor finalement très affable et plutôt causant.
Comme on a encore pu s'en rendre compte lors du concert d'hier, vous avez tissé avec votre public un lien étroit et privilégié. Sur scène, ressentez-vous les vibrations émanant de vos fans ravis de vous voir dans une salle à dimension humaine ?
Bien sûr même si cette sensation est difficile à décrire. Ce qui se passe, c'est que j'avais à peine terminé le mastering de l'album qu'on débarquait en Europe pour cette tournée. Il y a encore des petites choses à améliorer.
À quand remonte la genèse de Year zero, qu'on peut qualifier de « concept album » ?
J'ai eu une longue traversée du désert, j'étais vraiment au fond du trou, je pensais que j'allais mourir. Il fallait que je mette de l'ordre dans ma vie, que je devienne totalement sobre, en fait. Je devais trouver un déclic. J'ai appris à devenir humble en me donnant du temps. J'ai accepté le fait que je ne savais pas tout. Je ne voulais pas repartir comme un dingue sur la route. Je ne pensais plus qu'à Nine Inch Nails. Aujourd'hui, ce que je n'avais jamais fait par le passé, j'ai écouté les conseils de mon entourage, de mon management et de ma firme de disques. J'ai donc pris conscience que je pouvais
de nouveau enregistrer des albums, faire des concerts sans être défoncé et que les gens continuent à apprécier ce que je fais. Lors de la dernière tournée, j'ai eu pas mal de temps entre les avions et les concerts. Comme je gamberge sans arrêt, je me suis mis à exploiter mon temps libre en travaillant sur mon ordinateur portable. Musicalement, j'ai écrit 80 % de ce qui se trouve sur Year zero. Côté textes, je n'avais pas grand-chose mais je souhaitais un album entier et dense en tissant les liens entre les morceaux.
Votre vision d'un futur apocalyptique est au coeur de ce nouvel album. Vous ressentez une tristesse et une colère face à l'évolution du monde ?
Un mélange de tout ça, oui, avec une énorme frustration en tant que citoyen américain face à l'administration en place. Je ne me suis jamais senti aussi concerné par ce qui se passe. Et honteux aussi. Quelqu'un a volé les élections et a conduit le pays dans une effrayante direction en se faisant passer, à la face du monde, pour un lunatique.
Je ne voulais pas d'un disque où dès les premières secondes, j'éructe contre le président, c'est trop évident et ça a déjà été fait. Je ne suis
pas un prédicateur.
J'ai donc imaginé un futur qui s'inscrit dans la lignée de ce que nous vivons aujourd'hui. Domination mondiale, le fanatisme qui fait vendre de la peur, le viol dans nos vies privées, la parano ambiante, etc.
Voir Bush avec sa Bible sous le bras uniquement en période électorale me rend dingue. J'ai donc imaginé une fiction et dès que j'ai eu l'idée générale, l'album s'est écrit tout seul. Je reste persuadé qu'un disque comme celui-ci peut faire changer les mentalités. Parce que le futur que j'ai imaginé n'est pas si éloigné de ce que nous vivons aujourd'hui. Si ce disque permet aux gens d'être plus nombreux lors des prochaines élections, j'aurai rempli ma mission.
Year zero
On connaît la vision torturée, qui émane de l'esprit agité de Trent Reznor, cerveau de Nine Inch Nails. Avec Year zero, l'auteur de Pretty hate machine va encore plus loin
en proposant un concept album en guise de bande-son d'un futur apocalyptique à l'image de l'évocateur « The beginning of the end » ou de l'angoissant « Another version of the truth ».
La première moitié du disque est du pur Nine Inch Nails (grosse production, morceaux radicaux) mais là où Reznor fait preuve d'audace, c'est dans sa deuxième partie, souvent instrumentale, avec des compositions où les sonorités s'emboîtent comme dans un glaçant collage sonore.
Ancienne Belgique PHOTO DOMINIQUE Duchesnes