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Article du magazine
Best
Octobre 1991

 

Voici des scans du magazine français Best

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L'ONGLE D'AMERIQUE

"Trois ans de music business m'ont certainement rendu plus cynique"

Quand on arrive a Saraloga, Blue Velvet et Psychose vous sautent a la tête. Dans celte jolie bourgade située à 400 km de N.Y.C.. les maisons de poupées pour hommes côtoient les motels Mignon â donner la chair de poule, c'est l'endroit rêvé pour découvrir la fureur qui se cache sous le velours de Nine Inch Nails Depuis 89. à coup de tournées et de premières parties (Jesus And Mary Chain, Peter Murphy...), ce groupe de Cleveland (Ohio) se forge aux States une solide réputation d'incendiaire A priori "Pretty Hate Machine", premier album de NIN, co-produit par Adrian Sherwood et Flood n'augure rien de particulièrement violent Cette Pop Dance est fort teintée d'industrielle certes mais n'a ni la rigueur vigoureuse de Front 242 ni l'extrémisme bruitiste de Neubauten Au contraire Trent Reznor, monsieur NIN s'attache aux mélodies. à la légèreté de la voix et distille des textes existentialistes, romantiques, jamais mièvres Reznor aime XTC pour ses bonnes chansons pop, Ministry pour l'énergie et sa manière d'utiliser la technologie The Smiths pour leurs textes Il a aimé les Bad Seeds, Kraftwerk Throbing Gristle, Cabaret Voltaire... " J'essaie d'écouter un peu de tout, de découvrir ce qui ne m'avait pas branché quand j'étais jeune, comme Led Zeppelin ou Black Sabbath, juste pour savoir ce qui les lait durer Ca me motive de travailler pour une musique accessible Je pourrais faire un album de bruits. Je pourrais également produire de la pop cool pour les adolescents Qui portent les T-shirt de NIN. Le mélange des deux est dangereux, passionnant " Fragile, mal a l'aise, ce compositeur solitaire ressemble a la sensibilité de ses écrits plus q u'a l'agressivité de sa musique. Pourtant sur scène il révèle une rage déconcertante Entouré de musiciens, Il livre une version hard core de sa pop dance industrielle Loin du studio et de son Macintosh, Reznor devient un chanteur kamikaze. Il shoote dans la batterie, lance son pied de micro, simule une sodomisation sur son guitarise puis le frappe, pousse le bassiste dans la foule, s'attaque au synthé casse une guitare de ci de là... Le ténébreux freluquet se métamorphose en Ranxerox pathétique. En 89, Trent à 23 ans, il reste cloîtré six mois pour composer "Pretty Hate..."

"A l'époque j'étais très seul, mon travail sur le disque m'a un peu plus retranché dans cette solitude Je garde un souvenir assez dur de cette période ".
En effet ses thèmes laissent un goût de mal de vivre, de puberté mal digérée Mais les mots sont trompeurs,. là où on ne pourrait lire Que des histoires d'amour se cache une réalité plus complexe.

"La plupart de mes textes traitent de problèmes rationnels. Cela ne se réduit pas aux rapports hommes/femmes, je traite de toutes les relations de dépendance". Parfois les lèvres dont il ne peut oublier les baisers ont la blancheur de la cocaïne ("Sanctified") et ses étreintes la couleur du dollar.

"Je suis saoul, et à l'instant si amoureux de toi... j'ai trouvé tout ce dont j'ai besoin, la sueur dans tes yeux le sang dans tes veines sont à mon écoute... peut-être Que je me salis mais c'est la seule fois où je me sens réellement vivant...".
Très réticent Reznor finit par livrer la clé de cette histoire.

"The Only Time "est inspiré d'une période ou je faisais la putain. Je me Suis mis dans la tête d'un mec qui ramasse quelqu'un puis le largue. C'est une chanson sur ta futilité de ses relations sur l'absence d'amour plus Que Sur l'amour. Mais je n'ai pas envie d'analyser mes paroles. Souvent j'ai été séduit par des textes et quand je découvrais dans les interviews leurs significations. ils perdaient de leur charme. il est important d'être assez o uvert pour être interprété ".

Quand il ne tourne pas, Reznor regagne sa maison à la Nouvelle Orléans. Loin du travail, sa raison de vivre. Tombé dedans quand il était petit, il fuit les réalités et décharge sa haine. Le prochain album sera plus dur que le premier.

"Trois ans de music business m'ont certainement rendu plus cynique » Le propos restera intimiste. "Je ne suis pas intéressé par la politique, je n'ai pas l'intention de changer le monde. Je suis un musicien et j'écris des chansons sur ce que je ressens. Peut-être Qu'un jour je serais obligé de taper dans des thèmes plus larges mais pour l'instant pas question de jouer au mentor. La musique peut déclencher des changements mais mon rôle n'est pas d'inculquer une philosophie. Déjà nous recevons des lettres style "j'allais me tuer et ma seule raison de rester en vie a été votre disque. Vous êtes là et vous savez exactement ce que je ressens ». Je suis flatté mais je ne veux pas de cette responsabilité. Je ne suis ni consolateur, ni docteur et je n 'irais nulle part pour dire de ne pas presser la détente. Ma musique est tout ce que je puis donner"

Myriam LEON