Textes & listesArticles
magazine : raygun
numéro : juin-juillet 1994
intitulé : the voice of reason
langue : français [version anglaise ici]
source : the nin hotline
note : traduit de l'anglais par adx pour alteration 2.0

LA VOIX DE LA RAISON
par Moon Unit Zappa

Mr Reznor est aussi torturé et versatile que la musique qu’il assemble. Musicalement, je suis attentif à son inflexibilité, en ce sens qu'il a cette capacité à atteindre le point vulnérable d'une expérience ou d'un sentiment, et de le digérer complètement. Quand bien cela l'empoisonne. Ce qui suit est une courte retranscription de la conversation que nous avons eu une nuit, en avril, juste avant que Nine Inch Nails ne prenne la route pour vous apporter The Downward Spiral. Ne lisez pas si vous voulez conserver l'illusion...

Trent fredonne un air...

MUZ: Oh, vous tes en tain de redonner pour moi. C'est bon. Dîtes moi, quel sorte de chewing-gum êtes vous en train de mâcher ?
TR: C'est mon favori, euh... un "Extra"... bleu... peu importe quel goût ça a.

MUZ: Est-ce que c'est sans sucre ?
TR: C'est sans sucre et le parfum se maintient bien.

MUZ: Dites nous, s'il vous plait, où nous sommes.
TR: La localisation physique serait le "Record Plant", un cool cool studio de LA ou toutes les femmes qu'ils embauchent ont des seins gigantesques. Simple observation.

MUZ: Ce n'est pas quelquechose que vous demandez ?
TR: Non. J'veux dire, ça se remarque. Car quand tu es dans le studio, c'est comme partir prendre le large avec 5 gaillards, là assis à regarder des ordinateurs. Ce sont des choses que tu remarques.

MUZ: Pouvez-vous, s'il vous plait, décrire, pour ceux qui nous lises, ce que vous portez en ce moment ?
TR: Disons que ces sapes là, il y a environ un an, elles étaient à peu près marron. A un moment, elles étaient davantage marron que ce qu'elles peuvent être désormais. Le marron cache bien la poussière. Je pense que je les ai porté chaque jour qu'a duré l'enregistrement de l'album. Ou quelquechose d'approchant. Et quand l'enregistrement s'est achevé, je les ais un peu mises de coté. Et aujourd'hui, pour je ne sais quelle raison, elles se sont révélées être la seule chose qui n'avait pas bougé. En fait, en ce moment, je suis un peu dans une crise de linge propre.

MUZ: Sur quoi travailez-vous ici ?
TR: Euh... qu'est que nous faisons ? Et bien nous sommes en train de régler quelques trucs de studio, des remixes pour Nine Inch Nails et, euh... on se prépare pour une vidéo aussi. Nous étions supposés être en Australie mais, à peu près une semaine avant, nous avons réalisé qu'il n'y avait pas assez de temps pour régler tout ce que nous avions besoin de régler. Et nous avons donc donner l'excuse comme quoi notre batteur avait une hernie et que nous ne pouvions donc pas y aller, ce qui était vrai mais...

MUZ: Vous avez pris avantage de son hernie...
TR: Exactement. De plus, nous pensons que c'est aussi un bon moyen pour lui de rencontrer des filles. Chose sympathique [rires]. Je ferais mieux de la jouer langue de bois ou je vais griller ma carrière entière...

MUZ: [riant] Quelle est votre liste de "jamais" ?
TR: Jamais... hmmm... je ne pense à rien de bien, rien de spirituel... euh...

MUZ: [riant] J'essaye de vous faire sécher, Trent.
TR: Vous avez réussi. Vous étiez supposé me demander, vous savez, comment c'était de vivre dans la maison de Sharon Tate et j'aurais juste eu à sortir la même réponse que j'ai sortit à tout le monde. Et après, d'ou vient le nom Nine Inch Nails ? Êtes vous vraiment déprimé ? Mon garçon, ton disque est si triste ! Comment c'était de travailler avec Adrian Below ?

MUZ: Je suis désolé, mais aucune de ces questions ne figure sur l'une de mes fiches.
TR: Je ne connais les réponses d'aucune autre. Vous allez donc avoir beaucoup de... euh... hmmm...

MUZ: Bien. Voudriez vous répondre à une de ces questions ou devrions nous....
TR: Non, je n'en ai vraiment pas envie. [regard dépité] Hmmm, c'est que, c'était sympa de vivre là. Je n'ai pas réalisé que Sharon Tate... que c'était la maison "Tate" lorsque nous l'avons choisi. C'était un endroit sympa...

MUZ: [riant] Est-ce que vous méditez ?
TR: Non.

MUZ: Quel est votre remède maison préféré ?
TR: J'en ai un qui vient du docteur d'un ami. Euh, il s'applique à pas mal de choses mais, dans ce contexte, il était pour moi décrit comme... En fait, j'ai un problème avec mes oreilles quand je prends l'avion. Un trouble des tubes d'Eustache, vous voyez ? Je ne m'en suis pas vanter à beaucoup de monde. J'ai demandé: "Qu'est-ce que je peux faire pour que ma tête n'explose pas lorsque je monte dans un avion ?" Il a dit: "Bien, la meilleure chose à faire serait de vous mettre le pouce dans les fesses, puis de souffler". J'ai trouvé que cela marchais pour pas mal de choses, comme quand j'avais du mal à trouver un bon son de batterie l'autre jour...

MUZ: Combien est-ce que vous avez payé pour ce conseil ?
TR: Euh... je pense que c'était gratuit. Les meilleurs conseils le sont toujours [rires].

MUZ: Comment avez-vous choisi le réalisateur du clip March of the Pigs et comment est-ce que cela s'est-il passé ?
TR: Nous avons fait 2 clips pour cette chanson. La première s'est avérer misérable et nous avons dépens beaucoup d'argent dessus. La deuxième était juste un peu en désespoir de cause... euh... il ne nous restait plus d'argent. On a donc essayer d'utiliser simplement la caméra. On a fait la première vidéo avec Peter Christopherson, qui avait dirigé quelques vidéos que nous avions faites dans le passé. Et j'aime bien Peter. On s'est basé sur son idée, on la filmé, mais il y avait quelques trucs qui n'allaient pas comme on le souhaitait. A la fin de la journée, quand on à regarder les rushs, ça semblait assez moyen. J'avais une discussion à coeur ouvert une nuit avec Rick Rubin, et il me dit, "comment est votre nouveau clip ?". Je dis: "Euh, c'est plutôt bon". "Ce n'est pas génial ?". Je dit: "Disons que ce n'est pas extra. Tu ne la regarderais pas et te dirais "c'est génial"". "Balance là et fais en une autre". "C'est que nous avons déjà dépensé beaucoup d'argent et...". "Non, je veux dire, tu ne sortirais pas ta musique si tu sentais qu'elle est juste "pas mal", n'est-ce pas ?". Je dit: "Non". "Et bien, il y a beaucoup plus de gens qui vont voir ton clip que de gens qui vont acheter ton disque, donc...". Ca me fait penser au caractère tordu de la musique actuelle. Combien de foyers ont MTV ? Et par chance, les rares qui pourront être debouts à 4h30 du matin un lundi sont encore plus nombreux que le total des gens qui seraient prêts à acheter le disque. Nous avons donc essayer de le ré-éditer. Je pensais que ce que nous avions fait dans la toute première vidéo était bon mais il y avait tellement de merdes avec toutes ces coupures et tous ces trucs que cela aurait pu être n'importe quel autre groupe à notre lace. Nous avons donc décider de le faire en live, avec un son live et d'essayer juste avec une prise de caméra. Nous avons joué la chanson environ 15 fois et pris la version qui semblait la moins embarrassante, juste pour faire une sorte d'anti-clip institutionnel. Je pensais que ça serait, soit cool, soit merdique. Et pour dire vrai, je n'en suis toujours pas très sûr.

MUZ: Vous ne savez pas ?
TR: Quelqu'un m'a dit que c'était cool, une fois. "Ouais, ouais, c'est cool".

MUZ: Une source sure ?
TR: Beinh... je... je... j'veux dire... je crois ce que me dis ma mère.

MUZ: Je suis d'accord avec votre mère. J'aime bien le clip. C'est marrant. J'aime tout spécialement vos petits pas de cotés...
TR: Ce n'était pas supposé être marrant [rires]

MUZ: Désolé.
TR: [rires] C'était supposé être, vous voyez, effrayant et intense.

MUZ: Ouais, ça l'était...
TR: Vous aimiez quoi, le moment où je trébuche et où j'essaye de faire croire que c'était fait exprès ?

MUZ : Non, vos petits pas de coté, comme un mouvement de jambes ou une sorte de danse coups de pieds. Ce truc là.
TR : Ah ouais, ce truc… vous savez, Axl à sa façon de traîner les pieds et…

MUZ : Je ne vous ai jamais vu live, je ne sais donc pas si c’était votre signature ou…
TR : Ca me revient juste. Je ne pense pas que ça l’était.

MUZ : Maintenant, j’ai remarqué que le look qu’ont vos acolytes est vraiment très intéressant. Est-ce intentionnel ? Ou est-ce que ça reflète la personnalité de chacun ? Il semble que tous les Pearl Jam de l’univers se foutent pas mal de ce qu’ils peuvent exprimer avec leur garde robe.
TR : Je pense que c’est à mettre sur le dos de leur confiance. J’aime être amusé et je tend davantage vers des trucs plus théâtral, tant qu’il subsiste tout de même une part de sincérité et que ce n’est pas totalement bidon. Je pense que, quand la scène grunge est apparu, ce qui était pour moi une sorte de point culminant de tout ce qu’il y avait de mauvais, pas nécessairement de mauvais, mais tous ces groupes de rock de lycée qui ressemblaient juste à de types banals et dont le propos était, je le devine : "Regardez, ça c'est honnête, on a pas besoin de prétendre que l'on est des rock-stars et toute cette merde". Je pense que c'était un bon état d'esprit et que ça a apporter une bouffée d'air frais. Ca a dégager les Bon Jovi et tous ces groupes qui se prenaient au sérieux. Mais, maintenant, c'est devenu forcé. J'ai réalisé tout ça un jour au... c'est quoi le bar merdique sur Sunset Boulevard qui à un tas de groupes locaux qui jouent tout le temps ? Linger ? Lingerie ?

MUZ: Ouais, Club Lingerie.
TR: Pour je ne sais quelle raison, j'ai terminé là-bas une fois et c'était une soirée "groupes locaux". Et y a ce groupe qui débarque sur scène. Le chanteur portait un t-shirt de flanelle, le bassiste était sans t-shirt et y'en avait un autre habillé comme une sorte de pompiste... J'écoute quelques morceaux et, euh... ça sonnait un peu comme du Nirvana, pas mauvais. Je bois une bière, fais un tour, revient et le groupe suivant était sur scène. Le chanteur n'avait pas de t-shirt, le bassiste avait ce t-shirt en flanelle, tu vois ? Au 5ème groupe, ils étaient tous interchangeables, c'était un peu plus Pearl Jam. Ce que je veux dire, quand je vois un show, je veux être amusé. Je préfère voir David Bowie/Ziggy Stardust sur scène qu'un type qui pourrait me servir de l'essence au coin de la rue. Quoique, en soit, ce n'est pas très à la mode de dire ça, mais j'en ai vraiment marre de toute cette merde.

MUZ: Quel est votre public ?
TR: A un moment, j'aurais pu vous le dire. Mais maintenant, je ne sais pas.

MUZ: Quelles sortes de relations voulez-vous avoir avec votre public ?
TR: Je suis assez reconnaissant et j'essaye de bien traiter les gens s'ils viennent me voir quelque part. Je réalise bien que si ce n'était pas pour eux, je ne ferait pas ce que je fait. Mais c'est vraiment trop étrange d'essayer de comprendre ce, qu'eux, ils peuvent penser que vous êtes. Je pense que le portrait que dresse les médias de moi ne reflète pas tout à fait ce que je pense être, encore que je sache cela moi-même. Je me rend bien compte que cela n'est juste qu'un jeu.

MUZ: Comment avez-vous su que vous aviez une voix ?
TR: Une voix artistique vous voulez dire ?

MUZ: Les deux.
TR: Et bien, je pourrais parler et un son en sortirait, vous savez ? [ries] Non, en fait, j'étais bon d'un instrument et j'étais bon pour... la musique était quelquechose qui m'était plus intuitive que le reste. Je savais donc que c'était ce que je voulais faire et que je voulais me retrouver dans la position dans laquelle je suis désormais mais, je ne savais pas vraiment comment y parvenir et... euh... je savais comment y parvenir mais j'avais peur de sauter le pas dans le cas où je me plante lamentablement. C'est plus facile de parler de ce que vous voulez faire puis de ne pas le faire que d'essayer, d'éventuellement y être très mauvais, puis d'avoir à faire face à la réalité. Je ne voulais pas juste "prétendre à...". J'étais préoccupé par le fait de savoir si je voulais quelquechose ou pas. Je ne suis pas en train de prétendre que je suis bon. Vous voyez ce que je veux dire ? Ce n'est pas avant 23 ans que j'ai écrit une seule chanson. Ca peut paraître stupide mais les toutes premières chansons que j'ai écrite ont été mon premier album car j'avais peur de faire de la merde. J'ai donc joué dans les groupes d'autres personnes, fait des arrangements, du clavier et d'autres trucs. Mais il y a un moment ou j'ai réalisé que j'étais juste un couillon et que "ok, j'ai laissé tomber les études, je pourrais avoir un problème avec la drogue si je me laissais aller, je bosse dans un studio merdique à laver les chiottes et j'ai un avenir radieux devant moi" [nous rions tous les deux]. J'ai donc simplement mis ma vie entre parenthèses et décidé que j'allai essayer de faire ça à 100%, et on verrait bien ce qui se passerait.

MUZ: A quoi faîtes-vous attention quand vous faîtes de la musique ?
TR: Je pense que ce que j'aime dans la musique, c'est quand elle peut communiquer à un tas de niveaux différents, vers moi dans tous les cas. Quand j'écoute, pas toute la musique mais une bonne partie, instantanément, ça m'évoque des choses comme l'endroit où j'étais lorsque j'ai pu l'écouté ou un certain état d'esprit. C'est pas totalement au sens propre, c'est comme... euh... qu'est-ce que je peux bien être en train d'essayer de dire ? C'est presque comme des flashs, mais pas juste sur des lieux ou des moments mais plutôt sur des sentiments ou des états d'esprit. Je pense que c'est un moyen assez cool pour communiquer et je sais que quand j'ai grandi, il y a certains trucs qui m'on complètement affecté et d'autres auxquelles je pourrais me rattacher. Et si je n'avais rien foutu, il y a certains disques qui pourraient être de très bonnes bande-son pour ma vie personnelle. C'est un peu prétentieux à dire mais bon...

MUZ: Sur cet album, c'est un concept album si je comprends bien, exact ? Il n'y a pas d'expériences personnelles ? Y'en a t'il ?
TR: Non, ce sont des expériences personnelles mais c'est absorbé dans l'idée hautement prétentieuse que peut constituer un disque avec des sortes de thèmes ou une certaine continuité. C'était le propos que ça devait avoir. J'ai juste essayé de faire un disque qui serait comme une grosse entité continue de musique plutôt que tout un tas de morceaux pop de 3 minutes. Je ne pense pas que beaucoup de gens font ça aujourd'hui. Ca fait un peu concept daté style 70's mais certains des disques qui m'ont beaucoup influencé pour cette album, comme Low et même The Wall..., je suis sûr que j'ai un peu pompé les Pink Floyd en fait... je sais que je les ai un peu volé. Il y a des disques, bien qu'ils puissent paraître un peu daté aujourd'hui, qui m'interpelle toujours plus que "ça c'est mon nouveau clip et ça c'est ma chanson dance et là c'est ma power ballad". Et tout ce genre de trucs faciles.

MUZ: En fait, vous pourriez vous interviewez tout seul. Je pourrais partir et vous laissez poser les questions et faire les réponses. Donc, croyez-vous en Dieu ?
TR: Hmm... je crois en... vous savez... en une certaine forme de Dieu. Je ne sais pas vraiment ce en quoi je crois en ce moment. C'est quelquechose qui m'a beaucoup tourmenté avant, je ne dirais pas tourmenté mais il y a en moi un désir de m'expliquer cette spiritualité. Il faudrait que je commence par en apprendre davantage sur certaines mentalités orientales que je ne connais pas vraiment. Je sais ce en quoi je ne crois pas et il y a des choses, comme le karma, qui m'interpelle dans le sens de pouvoir essayer de garder un esprit ouvert, d'analyser pourquoi je peux ressentir les choses de telle ou telle façon. Certaines choses ne m'interpelle pas autant, comme les religions occidentales organisées. Je comprends très bien pourquoi certaines personnes ont besoin de la religion et je ne pense pas du tout que c'est un tort d'être croyant, mais ce n'est pas mon truc. Mais bon, je ne voudrais pas avoir à le jurer car j'ai peur d'être puni pour ne pas croire en certains contes de fée. Il y a des choses en lesquelles je crois fortement mais je n'ai pas encore pris le temps d'analyser tout ça et de me créer ma propre religion. Certaines choses m'interpelle... je les ressent de manière innée, pas des choses que l'on a pu m'apprendre, tu vois ? Je crois qu'il y a une connexion entre chaque personnes et avec la nature en particulier, plutôt que de toujours s'interroger sur le fait de savoir "pourquoi sommes-nous ici ? A quoi sert-on ? Que sommes-nous supposés faire ?" Je ne pense pas que l'on est besoin de savoir tout ça. Dans toute l'histoire, tous les philosophes sont parvenus à la même conclusion.

MUZ: Que souhaitez-vos pour les autres êtres humains ?
TR: De mon propre point de vue, je recherche juste une certaine part d'éclaircissement ou une certaine introspection pour comprendre pourquoi je peux me sentir de telle ou telle façon vis à vis des choses en général. Je n'en suis pas là mais je pense que ça serait la clé pour moi afin de m'accomplir en tant que personnes, en tant qu'être humain. Disons qu'il y a pas mal d'éléments de ma vie que je n'ai jamais vraiment considéré. Je ne sais pas vraiment qui je suis. Je ne suis jamais réellement mis au défi de m'interroger sur des choses pour lesquelles je ne me sens pas vraiment à l'aise, des choses pas très plaisantes à examiner. Et qu'est-ce que je souhaiterais pour les autres ? Ce que je peux souhaiter pour moi c'est à dire, comme certains jours ou j'atteins un certain degré de contentement, vous savez "le contentement" ? Et peu importe que ce soit ce qui me donne l'envie de faire e que je fais. Ce qui compte, c'est que j'ai fait quelquechose, tu comprends ? Si ce n'est pas pour quelqu'un d'autre, c'est pour moi même. Mais, généralement, je ne suis pas heureux. Je suis fier de faire ce que je fais. J'ai pris une résolution il y a quelques années et m'y suis vraiment atteler, ce qui a payé en retour mais... euh... ça serait pas mal de pouvoir vivre au même endroit un peu plus que 3 jours. Je n'ai pas d'adresse en ce moment. Je cherche, ce qui est encore une longue histoire, mais, pour le moment, ma maison est dans le bus de tournée jusqu'a ce que nous ayons terminé. Je n'ai aucun endroit où me sentir chez moi en ce moment. Ca serait sympa d'avoir une relation avec quelqu'un, de ne pas être constamment autre part et avoir un certain degré de normalité. Ce que j'avais avant, et que je haïssais, désormais je ne l'ai plus. Je voudrais juste pouvoir louer un film un jour...

MUZ: Qu'est-ce que vous loueriez ?
TR: Qu'est-ce que je louerais ? Si c'était aujourd'hui, là tout de suite, je louerais The Jerk de Steve Martin. Je suis dans ce genre d'état d'esprit en ce moment. Des films vraiment déprimés, tristes, violents. Normaux quoi.

MUZ: Aimez-vous les films de David Lean ? Vous savez qui c'est ?
TR: Euh...

MUZ: Il a fait Laurence d'Arabie, Dr. Zhivago...
TR: Je ne suis pas trop porté vers ça...

MUZ: Je pense que vous aimeriez son travail. Ce sera ma recommandation. Mais je ne travaille pas dans une boutique de vidéos vous savez. Quel était votre jouet favoris étant enfant ?
TR: Euh... je ne sais pas si c'était mon favoris mais est-ce que vous vous souvenez... quel âge as-tu ?

MUZ : 26
TR: Vous êtes vieux, vous devez donc connaître. Vous souvenez-vous des "oiseaux tournoyants" ?

MUZ: c'est pas ces trucs où on fait comme ça [se frottant les paumes des mains] ?
TR: Non

MUZ: Ah
TR: C'était un incroyable hélicoptère, il y avait 2 petites mannettes de contrôle, ça se plaçait sur le bras et il volait tout autour en cercle.

MUZ: Ah ouais...
TR: Tu pouvais le faire se prendre des trucs à la con, des petites maisons ou d'autres trucs. C'était un de mes favoris. Et la poupée de l'homme qui valait 6 millions de $. J'avais le putain de vaisseau spatial et le centre de contrôle; et je rêvais qu'un jour je pourrais être bionique et que je pourrais botter le cul des types de l'école, tu vois ? [soupirs] C'était assez fantaisiste mais j'étais assez préoccupé par le fait de potentiellement pouvoir un jour devenir gay, du fait que c'étai une poupée. En y repensant, des mecs avec des poupées, c'était plutôt nouveau. Les parents n'étaient pas très sûr de ce qui pouvait arriver, tu vois ?

MUZ: Vous vous êtes aussi jeune questionné sur votre sexualité ?
TR: Non non, ouais c'est une poupée mais c'est comme la planète des singes. C'est sympa... euh... c'est vraiment sympa les G.I Joe mais si t'avais un Ken, c'était le premier pas...

MUZ: Vous étiez plutôt Monopoly ou Cluedo ?
TR: Je pense que j'étais plutôt Cluedo mais il y avait toujours un Monopoly dans les parages, je suis donc devenu maître dans l'art de tricher à ce jeu. Et mon grand-père me laissait toujours jouer...

MUZ: Vous étiez donc le banquier.
TR: Il savait que je trichais et me laissais donc tranquille de mon coté. [prenant la voix du grand-père] "Est-ce que quelqu'un a pris ces 500$ ?", prendre accidentellement des hôtels sur le plateau, ce genre de trucs. Mais je suis venu vers le Cluedo plus tard. Le problème avec le Cluedo était qu'il n'y avait jamais assez de personne pour y jouer, car il y avait juste moi et mes grand-parents lorsque j'ai grandi, et ils ont vite apprit l'art de ne pas laisser traîner les plateaux de jeux pour ne pas avoir à y jouer.

MUZ: Est-ce que vous avez des regrets ?
TR: Oh, j'ai des tonnes de regrets vous savez.

MUZ: Vraiment ?
TR: Je veux dire, à différents degrés. Certains professionnels, beaucoup personnels. J'ai traversé une phase d'égocentrisme, traitant les gens comme de la merde. Et je ne suis pas fier de ces moments là. Les gens qui commencent à avoir du pouvoir y vont avec de nobles aspirations, mais commencent à abuser de ce pouvoir et réalisent qu'ils peuvent en abuser. Et c'est ce que j'ai fait. Il y a des moments où, pas de plein gré mais, où j'ai probablement... euh... traiter les gens de manière différente que ce que je ferais maintenant, à cause de certains trips dans lesquels je pouvais être à ce moment là. Et je ne suis pas fier de ça. Je ne suis pas en train de faire des excuses mais c'était, et ça l'est toujours, un mode de vie totalement différent. Je n'aurais plus jamais à me préoccuper de savoir si je peux payer la prochaine facture de gaz. Ca peut même paraître stupide de se figurer cela de cette manière mais, de ne jamais avoir à penser à ces choses là... tout d'un coup, ça devient style, "je peux m'acheter un lit". Je n'ai même jamais acheter de lit, tu sais ?

MUZ: Quel a été votre plus grand accomplissement artistique ?
TR: A la fin de ce disque, il y avait une dernière chanson qui restait quelque peu en suspend, ne sachant pas trop s'il elle n'était pas un peu trop "à nu" pour aller sur ce disque. C'est la dernière chanson. Ca doit sonner complètement gnangnan de dire ça mais, quand nous étions dans le studio à l'enregistrer, c'était, putain, tellement heavy. C'était intense. Je ne suis pas en train de dire que je pleurais mais c'était... j'étais là quoi. Je avais que cela signifiait beaucoup pour moi d'écrire cette chanson car j'étais un peu excité par cette idée et j'avais des sortes de passages de niaiserie. Je l'ai donc juste mise sur le disque en pensant que cette petite chanson mélancolique ferait une belle fin avant que je ne me donne la mort. Je me disais donc, "ça sera un peu ma chanson des regrets". Quand ce fût terminé, j'en était vraiment très fier, c'est probablement une de celles dont je suis le plus fier sur ce disque.
La semaine dernière, je devais rencontré le pote d'un ami à moi qui est ingénieur, il bosse pour les studios A&M tout le temps, pour parler de faire un remix pour quelque chose. Il était environ minuit et il me fait, "fait moi une faveur, rejoins moi juste de l'autre coté de la rue, le bar de l'autre coté de la rue, ok ?". Mon ingénieur et moi roulons jusque là-bas, on se gare et le bar de l'autre coté de la rue était bien sur une boîte de strip-tease. Je rentre donc dedans et vais m'asseoir pour parler avec le type, ne faisant pas vraiment attention à tout ce qui se passe autour. Ce n'est pas trop le genre d'endroit où j'ai l'habitude de sortir. Et qu'est-ce qui passe en musique de fond pour la fille qui vient danser: cette chanson ! [rires] J'étais là, la mâchoire bloquée en voyant cette fille en petite tenue, dansant sur cette putain de chanson qui était totalement hors de propos dans ce genre d'endroit. C'est juste un chant glauque, sans batterie, ni beat ou quoi que ce soit... et j'ai commencé à me marrer. "Putain, c'est... euh... je ne peut pas comprendre comment, sortit du contexte... c'est pas supposé être là !"
Bon, maintenant, on ne peut pas dire que ça soit une très bonne réponse. Non, je vais vous donnez une bonne réponse. Pour être honnête, quand j'ai finit ce disque, j'avais un peu peur car j'essayais de l'appréhender comme si je faisais de l'art. A la base, c'est un produit fait pour être vendu dans un magasin et je me disais, "j'ai fait quelque chose dont je suis vraiment fier mais je ne crois pas que ça soit un disque très commercial". Mais j'étais, et je le suis toujours, fier de ce disque qui pour moi est la meilleure chose que j'ai pu faire jusque là. J'ai fait certains choses ne sachant pas trop si je devais les faire ou non et, je ne voudrais pas que ça puisse sonner trop égoïste mais je pense que vous devez croire en votre propre truc si vous devez le mettre sur le marché. Interroger moi après mon prochain disque et probablement, je l'espère, que je vous répondrais la même chose.

MUZ: Quelle partie de vous-même avez-vous expié avec cette album ?
TR: A un certain niveau, j'avais un peu peur du studio et du processus créatif. J'avais peur de devoir interagir avec d'autres personnes dans ce travail. Mais j'ai surmonter ça, je n'est plus autant d'appréhension avec le fait de devoir être avec es gens. C'est juste que j'ai toujours eu l'habitude d'être terrifié par les autres musiciens respectés.

MUZ: Qu'est-ce que la beauté pour vous ?
TR: Ou allez-vous chercher toutes ces questions. Euh, non, c'est une bonne question en fait. Je pense que les choses qui, pour moi, sont belles ne sont pas très manifestes. Euh, je pense que les photos de Joel Peter Witkin sont belles, bien que probablement la plupart des gens diraient qu'elles sont grossièrement laides. Mais pour moi, c'est ce qui les rends plus intéressantes. La musique que j'aime s'applique de manière abstraite à la beauté. Généralement, le meilleur moment, c'est quand tu l'écoutes pour la première fois, quand tu ne sais pas trop si tu l'aimes ou pas mais que tu vas peut-être l'écouter encore. Après la 5ème écoute, tu la comprend mieux et arrives à voir ce qu'il y a derrière, tu vois la beauté qui se trouve à l'intérieur. Après la 10ème écoute, elle se dévoilé encore à toi, plus que... euh... euh... quelque chose de manifeste tout de suite et qui devient creux par la suite. Cela peut s'appliquer également aux gens. Mon idée de ce qui est beau à mes yeux est sensiblement déviant de la représentation que l'on peut s'en faire en général. C'est pas évident de devoir répondre à ce genre de questions. Vous devez être très éloquent et répondre quelque chose d'intelligent sans réellement le pouvoir. Tu réfléchis pendant que tu réponds...
 

MUZ: Le mal ?
TR: Qu'est-ce que je trouve mauvais ?

MUZ: Ouais.
TR: Hmm... je pense que Los Angeles est mauvaise. Je pense que Los Angeles fait ressortir ce qu'il peut y avoir de laid et de mauvais chez les gens qui s'y déplace afin d'y être une part de ce que LA est supposée être. Et je dis ça alors que je n'y suis que depuis 1 an 1/2. Je me rends compte que je n'aime pas trop être là en fait, sans réellement essayer de m'adapter. Je suis là pour travailler, c'est donc ce que j'essaye de faire. Mais j'ai été avec des gens qui... généralement, c'est très récurent à LA cette attitude de non-sincérité et de "qu'est-ce que tu peux faire pour moi".

MUZ: Qu'est-ce qui va dans le monde ? Qu'est-ce qui est bon ?
TR: Il y a des choses dont je pense qu'il faut se préoccuper. Hmm... je n'ai pas une vision totalement pessimiste des gens et de l'humanité en général, mais quand tu regardes les infos et que tu vois que les gens sont toujours en train de se taper sur la gueule en Bosnie et quand Afrique du Sud ils tuent tout le monde, il y a eu 500 morts en quelques jours. Je suis incapable de comprendre ça. Je ne peut pas m'imaginer ça, en tant qu'américain ayant été élevé dans un certain confort, en vouloir à un type qui croit à un autre Dieu que moi, suffisement pour avoir envie de le supprimer, lui et sa baraque, pour enfin pouvoir clamer bêtement que cette terre m'appartient. Mais il y a ça et il y a aussi les abus sur l'écologie et toutes ces choses qui atténuent vraiment ma foi. Je ne pense pas que nous sommes en train de nous foutre en l'air et je ne pense pas que quiconque, quand viendra le moment d'appuyer sur le bouton... j'ai la foi que ça n'arrivera pas. Mais en même temps, j'ai la conviction que nous allons finir par détruire la couche d'ozone et polluer le monde entier à jamais juste à cause de putains d'entreprise qui ne veulent pas perdre de l'argent en admettant que leurs produits chimiques polluent ou en stoppant d'autres trucs qui arriveront dans 300 ans quand je ne serais plus là. Ce genre de merde.
 

MUZ: Euh... et quel lien avec ce qui est bon dans le monde ?
TR: Ah ouais. Je pense que l'aptitude d'aimer quelqu'un d'autre est une bonne chose.

MUZ: Vous vous frottez les yeux en disant cela.
TR: Ouais, je réalise juste que c'est un de ces stupides trucs. Je pense être capable de pouvoir me préoccuper de quelqu'un d'autre et avoir une certaine forme de camaraderie... euh... c'est bien quoi. Et les chiots, j'aime beaucoup les chiots. J'aime les animaux. J'adore les animaux.
 

MUZ: C'est bien.
TR: EN général, plus que les gens.

MUZ: Êtes-vous plutôt chien ou chat ?
TR: Chien. Je sais que ça révèle un manque d'assurance mais bon...

MUZ: Je n'ai jamais entendu parler de ça.
TR: C'est ceux qui préfèrent les chats qui disent des trucs comme ça. Les gens qui ont des chats ont confiance en eux, ceux qui ont des chiens ont...

MUZ: Mince alors ! L'interprétation que j'en fait est que ceux qui ont des chiens, ça ne les déranges pas d'être lécher, ce pourquoi j'ai un problème.
TR: C'est de la propagande anti-chiens.

MUZ: Avez-vous déjà été amoureux ?
TR: [tout doucement] Ouais...

MUZ: Comment le savez-vous ?
TR: Et vous, vous l'avez été ?

MUZ: Non, je ne crois pas.
TR: Tu le saurais autrement [rires], je pense.



traduit de l'anglais et retranscrit par adx pour alteration 2.0