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The Rock n'
Folk magazine n°399 |
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ROCK N FOLK 399 NOVEMBRE 2000 « Droit dans le mur »
Rock&Folk: Avez-vous réécouté "The Fragile" depuis le début de cette toumée ?
Trent Reznor: Cela m'arrive de temps en temps et en général, ça me met de bonne humeur parce que j'y perçois encore toutes les choses positives entamées depuis sa création. La chose plus énervante liée à cet album, c'est qu'aux USA, notre label s'en fout en nous prenant pour des cons. Pour je ne sais quelles raisons, là-bas, quelqu'un a dû penser que nous allions vendre beaucoup plus de disques que c'est aujourd'hui le cas et donc, quel que soit le résultat de nos ventes à ce jour, "The Fragile" est considéré comme un échec commercial... Alors que de mon point de vue, le disque se vend plus que je ne pouvais m'y attendre (Sourire).
R&F: Cette situation vous surprend-elle ?
Trent Reznor: Pas vraiment. Tu vois, aujourd'hui Interscope n'est plus Universal, c'est Seagram, Vivendi ou je ne sais quoi d'autre... Enfin, tout le monde fusionne avec tout le monde et un jour ils seront tous sous la bannière Microsoft ou AOL. Là-bas on me raconte que quoi qu'il se passe en interne, je travaille bien avec la même société, mais je sais que ce n'est plus le cas parce que cette petite compagnie qui s'appelait Interscope se doit aujourd’hui de rivaliser de score et de profit avec les grosses sociétés dont ils ont pénétré le marché. Le centre d’intérêt d'Universal n'a plus rien à voir avec la musique, mais les finances, et les gens qui souffrent le plus à l'intérieur de ces sociétés sont les artistes qui vendent moins que leurs Top Salers... leur réserve de cash. Effectivement, oui, je suis surpris et je me sens abandonné, parce que les gens à qui je faisais confiance à l'intérieur d'lnterscope sont partis, ou bien ceux qui restent ont les mains liées parce qu'ils doivent rendre des comptes à ce nouveau type qui n’écoute pas de musique et ne regarde que les chiffres. La chose la plus triste, c'est que, dans ce climat où règnent la pop klennex et le hip hop au kilomètre, il est très difficile pour des groupes comme NIN, RATM ou Tool, d'obtenir les moyens de leurs ambitions.
R&F: Ne pensez-vous pas que des gens échappent encore à ce schéma ?
Trent Reznor: Bien sûr, je pense que quelqu'un comme Eminem, par exemple, a beaucoup de talent même s'il vend des millions de disques... Même si aujourd'hui, son cas est symptomatique
du fait que l'accent est davantage mis sur ce qu'un artiste va vendre les premières semaines en bac et sur le ratio de performances marketing, que sur son talent. Cette façon de réfléchir atteint des sommet dans le hip hop où on le congratule davantage sur la taille de son compte en banque que sur la qualité de son album. Bref, j'ai un peu le sentiment qu'aujourd'hui la musique ne récupère que le pourboire de ce qu’elle rapporte.
R&F: Ce qui est peut-être intéressant, c'est que les artistes vont devoir s'adapter pour appréhender de manière différente la gestion de leur carrière, non ?
Trent Reznor: J'ai surtout l'impression qu'ils vont devoir s'impliquer beaucoup plus dans le business. Par exemple, pour cette tournée nous avons tout géré, nous nous sommes autofinancés, nous traitons directement avec le promoteur et parfois au pied du mur, cela revient à dire que notre label ne fait que ramasser les bénéfices que génère ce disque sans avoir aucune intention d'investir sur une tournée ou quoi que ce soit d'autre qui fasse vivre NIN. Pour ces gens-là, je pense que ce disque est purement et simplement mort. Ils ont abandonné l'idée qu'il y a d'autres personnes qui pourraient vouloir se procurer ce disque que ceux qui l’ont acheté en première semaine.
R&F: Tous les gens qui ont signé sur votre label partagent-ils votre analyse du phénomène ?
Trent Reznor: Il y a quelques jours je parlais avec Matt Johnson de The The et il vit les mêmes frustrations que moi "Naked Self' est un de ses meilleurs albums mais, comme il n'entre pas dans le format du moment, personne ne s'en occupe, à part nous... Il lui est même arrivé de tourner en Europe et de se rendre compte que personne ne savait que son disque était sorti, même pas certains disquaires (air dégoûté. C'est une façon très rapide de connaître les joies de la frustration. Enfin, quoi qu'il en soit, il va falloir que les choses changent, je ne sais pas si ça viendra D’internet ou autre chose mais à l'heure d'aujourd'hui, nous allons droit dans le mur.
R&F: Mais, quelque part, la façon dont le marché fonctionne actuellement et celle dont on gave le grand public ne vont-elles pas obliger ceux qui cherchent la différence et la qualité à revenir à un système plus underground ?
Trent Reznor Tu as raison, tous ceux qui cherchent de la bonne musique vont devoir retrousser leurs manches pour la trouver. L'autre jour, je me suis arrêté dans un magasin de disques pour dégotter quelque chose de neuf et d'intéressant et je suis tombé devant un unique amas de disques dont on fait la pub à la télé Alors, qu'est-ce que j'ai fait ? j'ai acheté un vieil Iggy Pop que je n'avais pas en CD et je t’assure que j'en étais furax .. il n’y avait même pas un disque de chez Nothing Enfin, je ne suis pas trop défaitiste, tout n’est pas si terrible, c'est seulement que le climat n’encourage pas à faire des choses créatives et différentes pour gagner sa croûte
Aujourd'hui on est arrivé à un schéma dans lequel si la pochette de son album n’a pas les bonnes couleurs avec le bon graphisme, on n'a presque aucune chance dans les bacs Je ne sais pas, je n'ai pas encore de solution, je ne me sens pas forcément supérieur aux autres, je peux concevoir qu'il y ait de la pop de qualité qui satisfaisse beaucoup de gens. Seulement, en tant que musicien, j'ai besoin de quelque chose qui me stimule un peu plus, qui me dérange, me remue, me rende heureux ou me mette en colère Quelque chose qui fasse de moi quelqu'un de meilleur.
R&F: Comme Eminem ?
Trent Reznor (très amusé} Ah oui, je persiste et signe, je trouve qu’il fait de très bons disques très biens produits Par contre, lorsque j’entends Spoonfed, Backstreet Boys ou Britney Spear ou n'importe lequel de ces clones blonds insipides je décroche. Rien de tout ça ne sonne sincère a mes oreilles. Quand j’écoute Eminem, je crois à ce qu'il raconte, même si je ne suis pas souvent d’accord avec ce qu'il dit, je sens de la sincérité dans ses propos et quelque part, qu'un disque aussi vulgaire et aussi déplacé passe à la télé me rassure sur la liberté d'expression.
R&F: Pour en revenir à Nine Inch Nails, c'est étonnant que le groupe qui avait opté pour un look plus sobre à la fin de la dernière tournée revienne avec le maquillage, les treillis et toute la panoplie du rocker industriel, Vous avez trop regardé les vidéos de Kiss ?
Trent Reznor: Pas vraiment (mort de rire) En fait, on ne planifie rien à l’avance, il y a des jours nous sommes en phase pour mettre les peintures de guerre et d'autres pas du tout Ce n'est qu’une situation qui mue de jour en jour A la fin de la tournée Downward Spiral, j'étais dans un état d’esprit tellement sombre que, quelque part, le maquillage et l’aspect destructeur de la scène me permettaient de ne pas affronter la réalité. Aujourd'hui, j'ai pris beaucoup de recul et l’aspect scénique a un côte beaucoup plus ludique, plus fun, qui traduit bien l’envie rock'n'roll qui nous envahit C’est amusant, parce que c'est d’ailleurs la première fois où je sens que nous sommes tous tristes que la tournée se termine. .
R&F: Vous reviendrez avec un show a roder à l'américaine ou une tournée digne d'un groupe de rock ?
Trent Reznor Définitivement quelque chose qui sera de taille humaine où quiconque s’il en a envie, pourra se rapprocher du bord de la scène. Il y a une chose contre laquelle je suis vacciné, ce sont les stades de Football américain au de hockey, le genre d’endroit où la dernière chose qui intéresse le public et les organisateurs, c'est comment le concert va sonner. J'en ai ma claque de me défoncer sur scène pour des Fans de sport venus bouffer des hot dogs Mais d'un autre côte, je me souviens aussi que quand nous avons terminé la tournée Downward Spiral nous avons Fait quelques clubs en annonçant le concert le jour même et que nous nous sommes Fait quasiment insulter par des Fans qui n’étaient pas au courant . Fuck it! De toute Façon, on ne pourra jamais contenter tout le monde, alors autant se Faire plaisir à soi.
R&F: Qu'en est-il de ce EP regroupant les nouveaux titres qui avaient été écartés de "The Fragile ? Le studio est il quelque chose qui vous manque déjà ?
Trent Reznor: Pas vraiment. Quand la scène est fun, qui a envie de retrouver les situations de stress liés au studio ? En ce moment, je m'occupe de la sortie d’un DVD qui retracera cette tournée, c'est un truc que nous allons faire nous-mêmes, quee l’on va monter, éditer je suis seulement un peu flippé à l’idée de me retrouver devant 700 gigabits d’images à sélectionner. . Quand nous en aurons terminé, nous avons envie de réitérer l'expérience de show acoustique que nous avons fait dans une radio de Chicago. Au départ, je devais me retrouver seul au piano mais Robin et le reste du groupe m'ont rejoint avec des guitares acoustiques et des percus et le résultat a été au-delà de toutes mes espérances.
R&F: C'était le MTV Unplugged mais sans MTV ?
Trent Reznor: Oui, on avait moins l’impression de se retrouver dans une sitcom en train de jouer sur nos flight-cases devant des beaufs assis sur des chaises.. Mais je pense que cette expérience nous a confortes dans le fait que derrière le bruit, les filtres et les effets, il y a de bonnes chansons, alors nous refléchissons encore à l’idée de réitérer l ‘expérience en y incorporant de nouvelles chansons
R&F: Que s'est il passe quand vous avez eu Marilyn Manson au téléphone avant de faire la vidéo de Starfucker et l'avez invité au concert du Madison Square Garden ? Vous avez dû avoir quelques explications par rapport à tout ce qui a été déballé dans la presse...
Trent Reznor En fait, le catalyseur de cette histoire a été la vidéo de "Starfucker' Mon manager et celui de Brian sont toujours très amis et c'est eux qui ont émis l'idée qu'il était temps de faire une croix sur le passé. J'ai été en colère pendant très longtemps mais aussi le premier à faine savoir qu’il était temps que nous nous reparlions. Bilan des courses, nous nous sommes parlés au téléphone et mis à délirer sur l’idée de cette vidéo, en sachant pertinemment que cela remettrait à leur place des gens pour qui nous n'avons ni l'un ni l’autre beaucoup d’afinités. En fait nous avons remis à plus tard certains points sur lesquels nous devions discuter et laissé la dynamique créative commune faire le reste. Nous avons recommencé doucement à traîner ensemble et je me suis rendu compte à quel point son amitié me manquait.
R&F: Avec le recul, que pensez-vous que cette expérience vous a apporté ?
Trent Reznor (sourire): Nous sommes tombés d'accord sur le fait que nous étions devenus de vrais cons chacun de notre côté, que nous étions tombés dans le panneau rock-star et que nous avions laissé le business se mettre en travers de notre amitié. Aujourd'hui, le milieu étant celui qu’il est, rempli de crapules et d’idiots notoires, nous ne pouvons plus prendre de chemins séparés . Nous devons rester unis contre les cons.
Recueilli par Stéphane Hervé