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Voici des scans du magazine Best 289
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La couverture |
BEST n° 289 AOUT 1992
Dossier : Le Rock Industriel, du bruit à la techno.
NINE INCH NAILS : Pop Indus
Nine Inch Nails pourrait bien être un gentil groupe de pop dance à la Depeche Mode. Mais l'ange Trent, compositeur solitaire et torturé, exprime ses démons. Alors le romantisme se teinte de bruitisme.
Sorti en 89, "Pretty Hate Machine", se vend à 500 000 exemplaires aux Etats Unis et sacre Trent Reznor figure de proue du courant post-industriel. Malgré les réticences d'une maison de disque qui attend deux ans avant de signer une licence européenne, disque d'or à l'appui, N.I.N donne une dimension commerciale à ce mouvement souterrain.
Pendant la tournée "Lollapalooza", l'intensité de son show va jusqu'à reléguer Jane's Addiction, instigateur du festival, au second plan. Prêt à relever tous les défis, le groupe affrontera les milliers de doigts dressés des fans sectaires des Gun's N Roses, dont il assurait la première partie alors qu'il écumait les stades européens. Peu importe les angoisses, Trent Reznor se passionne pour les mélanges dangereux.
Reznor, s'il fraye avec la bande à Wax Trax, s'adonne à Ministry, Revolting Cocks et Meat Beat Manifesto, livre un travail plus nuancé, plus accessible. A 23 ans, le fragile ex-étudiant en informatique commet l'exploit d'affilier les machines au romantisme, sans se noyer dans le brouet insipide qui abreuve nos radios. Seul avec ses computers, dans son studio de Cleveland (Ohio), il réalise une pop dance electronique, sensuelle et ... bruitiste.
L'alchimiste sensible mêle l'informatique et la chair écorchée vive. Signifiant son fiel au travers des techniques et de l'énergie indus., il l'humanise, rejette la froideur des lyrics techno. Sorte de Front 242 sous UV ou de Smith sous electrochoc, sa muse n'est pas la ville, mais les méandres de son mal de vivre. Trent extériorise son malaise à fleur de peau, analyse les rapport de dépendances, sur des rythmiques systématiques et de jolies mélodies. Sa voix au bord du cri éructe des textes existantialistes, impregnés des doutes et des états d'âme d'un adolescent, vieilli prématurément à force de claques, de vénalité, de dopes et d'amour libidineuses.
Ses compositions respirent l'urgence, le jeu contre la mort. Livrant son désespoir de vivant parmi les zombies, il joue de son cadavre. "Un peu comme un nuage j'étais tout là haut dans le ciel... J'ai décidé que je ne descendrais jamais / C'est là qu'un minuscule point m'accroche le regard... Je l'ai regardé trop longtemps et il m'attirait vers le bas... Je planais au dessus maintenant je suis dans la merde... Qu'est ce que ça peut faire ? Je nageais dans l'incertitude maintenant je rampe au sol... J'étais si fort / Je savais mon droit de mon tort / J'étais quelqu'un / J'avais quelque chose à l'intérieur... Et ce que je croyais être moi, n'est plus qu'un souvenir qui s'efface..."
Ses délires malsains et macabres lui vaudront les foudres du FBI et un sérieux coup de pub. En effet, pendant le tournage de "Down in it", une caméra suspendue à un ballon d'hélium (destinée à filmer son plongeon du haut d'un building) s'égare. Quelques centaines de kilomètres plus loin, un paysan tombe dessus et la confie à la police. Le FBI mettra un an pour comprendre que ces images de corps en décomposition, des sévices morbides et de suicides ne sont pas le fait d'une secte nécrophage mais la vidéo de la nouvelle coqueluche américaine. Le succès loin de l'assagir, pousse Reznor hors de ces retranchements. Son dégoût si poignant n'est pas feint. En concert, le timide freluquet laisse exploser sa haine, devient une méchante bête de scène.
Pour ne pas se retrouver seul, il s'entoure d'un batteur, d'un clavier, d'un guitariste. Ses performances, associant le son live et les bandes, tournent au défouloir, livrent une interprétation ultra-violente des morceaux. Le compositeur, torturé en plein exutoire, martyrise ses musiciens, casse les guitares balance de l'eau dans le synthé, shoote dans la batterie, arrose copieusement le public, ne sachant plus où frapper pour décharger ses débordements de rage. On est loin de l'électronique proprette, pimentée de sons dignes de Throbbing Gristle, qu'il égrène dans "Pretty Hate Machine". Rendu plus cynique par trois ans de music business, il avertit haut et fort : son prochain album (sur lequel il s'acharne actuellement, retranché dans sa maison de la Nouvelle Orléans) sera plus agressif, moins dansant. Déjà, la reprise du "Get Down Make Love" des Queen, produit par Al Yourgensen, donne un aperçu du virage hardcore synthétique. De quoi réjouir son label (Island) qui d'entrée refuse d'éditer la vidéo, choquée par des images de domination homosexuelle , jugées trop obscènes. Déchaîné perpétuel, lors de sa dernière tournée, Trent attaque la tâpisserie d'un hôtel luxueux, pour la remplacer par des photos porno. Si la culture industriell commence à générer des stars, celà risque de faire mal aux préjugés... Bien pensants, à vos censures ! Miriam Leon
Exorciser ses peurs et ses douleurs, jouer de la mort pour ne pas mourir d'une overdose de vie. Trent Reznor a le cynisme à fleur de romantisme.
Une pop dance teintée bruitiste vouée à se durcir.