T'CHA DUNLEVY

The Gazette
Sunday, November 13, 2005

Le dimanche 13 novembre 2005
Nine Inch Nails : dans le «top 5»!
Philippe Renaud
La Presse

Deux heures, 22 chansons, pas de rappel: Trent Reznor, l'homme derrière Nine Inch Nails, avait alors tout dit, tout donné, avec force sonore et visuelle. Ajoutez à cela deux impeccables groupes en première partie- Death From Above 1979 et Queens of the Stone Age- et vous pouvez considérer le concert de vendredi soir dernier comme l'un des meilleurs de l'année 2005, point barre.

La soirée parfaite, en somme. Même quelques longueurs dans le dernier tiers de la performance de NIN ne pourraient porter ombrage à sa qualité. La brutalité des arrangements rock industriels de Reznor masque peut-être un peu son vif talent de compositeur; cependant, le répertoire offert forçait à reconnaître l'évidence. Ce gars-là torche de sacrées bonnes chansons. Et excusez-nous si on se répète.

En concert, les chansons de Reznor sont magnifiées par une acoustique impeccable que le haut volume sonore ne parvient pas à gâcher, et surtout par une scénographie intelligente et spectaculaire. Le jeu d'éclairage, la disposition des musiciens sur scène, le décor ingénieux et les projections exemplaires rehaussent les sentiments d'exclusion, d'incompréhension et de dépendance (amoureuse, aux drogues), qui sont les thèmes récurrents de l'oeuvre de NIN.

Des rideaux opaques cernaient la scène lorsque les lumières se sont fermées, annonçant l'arrivée imminente de Reznor et ses collègues. La foule était belle à voir: tous briquets allumés, les fans saluaient NIN.

Camouflé derrière les rideaux, le groupe s'est lancé sans tarder dans Pinion, inaugurant un premier tiers de titres musclés. On avait du mal à reprendre notre souffle dans la succession de la mitraillante Love is Not Enough, You Know What You Are (du dernier album, With Teeth), puis Terrible Lie, de l'excellent premier album, Pretty Hate Machine, accueillie avec enthousiasme par des fans qui s'étaient montrés plus tièdes face aux nouvelles chansons.

La guitare valse

Et ça brassait pas mal sur cette scène comprimée par la structure métallique supportant les éclairages, qu'on avait abaissée à un mètre de la tête des musiciens. À la gauche de Reznor, le guitariste Aaron North, dont on retiendra d'abord le jeu théâtral au possible: lorsqu'une note est suspendue, le musicien fait valser sa guitare autour de lui, truc qu'il répétera à satiété au cours de la performance. Il aime aussi donner des coups de pieds sur son ampli, le North, alors que Reznor ne semble pas vraiment aimer les pieds de micro. Ceux-ci passeront un bien mauvais quart d'heure sur la scène du Centre Bell. Dès la troisième chanson, Reznor fracassait sa guitare sur le pied, avant d'aller s'en chercher une autre toute neuve et prête à être brutalisée.

La performance était énergique, les chansons allaient droit au but. Les effets de scène étaient épatants: les morceaux de décor s'illuminaient de rouge durant The Line Begins to Blur, suivie de l'excellent punk électronifié March of the Pigs, que tous chantaient en choeur en tapant dans les mains.

Moment fort du spectacle lorsque les rideaux se sont baissés à nouveau et qu'un habile montage visuel, entremêlant images animées de cellules cancéreuses, d'animaux sauvages, de guerre américaine et du président Bush, est venu appuyer les chansons de Reznor, virulent opposant à la présente administration républicaine. Tout au long du spectacle, le souci du détail visuel accompagnait les interprétations des Closer, Gave Up, Wish, Dead Souls (reprise de Joy Division bien envoyée), Suck, Hurt (cette chanson qu'a si douloureusement reprise Johnny Cash, jouée principalement au piano), puis The Hand that Feeds et Head Like a Hole, en guise de finale terrifiante. Deux heures, tout était dit. J'en ai encore les oreilles bouchées. Bravo.